A la découverte de la soudure laser des puces microfluidiques.
Soudure laser et microfluidique : la précision au cœur de l’expertise Mora Group
La microfluidique évolue rapidement, portée par des enjeux majeurs en santé et en diagnostic. Le groupe Mora relève ce défi en combinant expertise en injection plastique et en soudure laser . À travers le témoignage de Vincent Collard, découvrez comment la soudure laser devient un levier stratégique pour l’assemblage de puces microfluidiques.
Bonjour Vincent, pourriez-vous vous présenter rapidement ?
Je suis Vincent Collard, Directeur Technique du groupe MORA et ingénieur en mécanique diplômé de l’UTC de Compiègne.
Après une première expérience dans la sous-traitance, j’ai passé 15 ans dans l’industrie automobile, où j’ai conçu des capteurs moteurs et systèmes mécatroniques pour des constructeurs comme PSA, Renault, BMW ou Ford. J’y ai dirigé des équipes et piloté des projets de la conception à la mise en production.
Par la suite, j’ai relevé de nouveaux défis dans le secteur des énergies renouvelables, en gérant de grands projets pour EDF et Aéroports de Paris.
Aujourd’hui, je mets cette expertise au service des clients de MORA pour les accompagner dans leurs projets les plus complexes, avec exigence et précision.

Vincent, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la soudure laser de puces microfluidiques en COC ?
Pour commencer, le COC (Cyclo-Oléfine Copolymère) est un matériau plastique particulièrement adapté aux dispositifs microfluidiques. Il se distingue par ses excellentes propriétés de transparence optique, sa compatibilité biologique, et son faible relargage chimique. Ces caractéristiques en font une alternative crédible, et de plus en plus courante, au verre, historiquement utilisé dans ce type d’applications. Grâce à ses performances proches de celles du verre, le COC s’impose comme un choix stratégique pour la conception de puces microfluidiques.
Qu’est-ce qu’une puce microfluidique et quelles sont ses principales applications ?
Les puces microfluidiques sont de petits dispositifs utilisés pour manipuler de très faibles volumes de liquides. Elles sont au cœur de nombreuses applications dans les domaines du diagnostic médical et de la biologie. Aujourd’hui, cette technologie connaît un fort développement, notamment pour les tests de dépistage et d’analyse.

Les puces microfluidiques fonctionnent un peu comme les cassettes de tests Covid que tout le monde connait. Les puces sont insérées dans des machines de diagnostic comme les cassettes Covid afin d’avoir des résultats d’analyse précis et rapides. Les échantillons testés sont des gouttes de sang ou de fluide corporel. Les résultats vont porter sur la présence ou non de certains pathogènes.
Chez Mora, c’est précisément sur la fabrication de ces puces microfluidiques que nous intervenons. Nos clients sont majoritairement les fabricants de ces machines de diagnostic, avec lesquels nous collaborons pour produire des puces microfluidiques adaptées aux exigences techniques et médicales.
Celles-ci s’intègrent dans des systèmes de diagnostic utilisant des technologies très diverses, selon les besoins : détection par infrarouge, ultrasons, ou encore analyses génétiques. Leur force réside dans leur capacité à détecter des éléments à l’échelle moléculaire, à partir de très faibles volumes d’échantillons : une goutte de sang, de sueur ou d’un autre fluide corporel peut suffire.
Les applications sont multiples : détection de maladies, dépistage génétique, recherche de biomarqueurs, mais aussi contrôle qualité dans le domaine alimentaire, comme la recherche de traces de gluten. Ce champ d’utilisation très large fait des puces microfluidiques un levier essentiel dans le développement de la bioproduction et du diagnostic personnalisé.
Le principe fondamental de la microfluidique repose sur la manipulation de très petites quantités de liquide à travers des réseaux de microcanaux. Lorsqu’un échantillon, comme une goutte de sang, entre dans une puce microfluidique, il est fragmenté en une multitude de micro-gouttelettes, qui peuvent aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers. Chaque gouttelette peut ensuite être analysée individuellement. Ce processus permet de réaliser des analyses très précises, souvent appuyées par des modèles statistiques, pour valider ou infirmer la présence d’un biomarqueur, d’une maladie ou d’un agent spécifique.
Il existe une grande diversité de puces microfluidiques, avec des architectures différentes selon les usages. Mais ce principe de fragmentation et d’analyse multipoint reste central dans de nombreuses applications.
Quels types de puces micorfluidiques MORA Group fabrique-t-il ?
Les puces microfluidiques sur lesquelles nous intervenons intègrent des réseaux complexes de microcanaux, essentiels pour guider le prélèvement liquide, le fragmenter en microgouttelettes, ou l’acheminer vers une zone d’analyse ciblée.
Ces composants exigent un niveau de précision extrêmement élevé. Certaines applications imposent la fabrication de canaux de seulement 20 à 40 microns, avec des tolérances dimensionnelles de l’ordre de quelques microns. C’est ce niveau de finesse qui permet aux machines de diagnostic d’interpréter les résultats avec fiabilité.
On a développé notamment des puces microfluidiques pour l’IPGG (Institut Pierre-Gilles de Gennes). Cet organisme de référence en France dans le domaine de la recherche en microfluidique collabore avec de nombreux acteurs pour tous types d’applications. Nous avons non seulement travaillé sur la fabrication de puces microfluidiques de haute précision, mais aussi sur l’assemblage de pièces par soudure laser.

Qu’est ce que l’IPGG
L’IPGG est un centre de recherche interdisciplinaire français spécialisé dans la microfluidique et la nanofluidique, rattaché à l’université PSL et regroupant des équipes de l’ESPCI, ENS, Institut Curie et Chimie ParisTech. L’IPGG allie recherche fondamentale et appliquée, en s’appuyant sur une équipe pluridisciplinaire (physiciens, biologistes, chimistes, ingénieurs) pour développer de nouvelles technologies microfluidiques.
En effet, dans l’ensemble des applications, les puces microfluidiques doivent être scellées de façon hermétique sans obstruer les canaux ou détériorer la fonction.
Pourquoi souder une puce microfluidique ?
Pour commencer, la technologie de soudure laser n’est pas nouvelle ; elle était déjà utilisée il y a plus de vingt ans, notamment dans l’industrie automobile, pour l’assemblage de capteurs. À l’époque, elle permettait de remplacer d’autres méthodes d’assemblage avec efficacité, y compris dans des architectures complexes et automatisées.

Mais lorsqu’il s’agit de puces microfluidiques, le niveau d’exigence change radicalement. La précision devient la clé. Les pièces sont plus petites, les tolérances beaucoup plus fines, et chaque soudure doit être parfaitement maîtrisée pour garantir l’étanchéité des microcanaux et la performance du diagnostic. La gageure, dans ce contexte, n’est donc pas la technologie en soi, mais l’adaptation de cette technologie à des échelles microtechniques, où le moindre écart peut compromettre le fonctionnement du système.
La fabrication d’une puce microfluidique commence généralement par l’injection d’une première pièce, qui constitue le support principal. C’est sur cette pièce que sont moulés les microcanaux, avec le haut niveau de précision nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du système.
Mais cette pièce injectée, à elle seule, ne suffit pas ! pour devenir fonctionnelle, elle doit être fermée hermétiquement. On vient donc l’assembler avec un film plat, qui sert de couvercle et permet de sceller les microcanaux. L’objectif est de garantir une étanchéité parfaite pour permettre une circulation maîtrisée des fluides. Cet assemblage implique l’utilisation d’un procédé de soudure ou de collage adapté afin de réunir ces deux éléments sans déformer les structures fines de la pièce injectée.
Pourquoi utiliser la soudure laser pour ce type de produits ?
Il y a encore quelques années, l’assemblage des puces microfluidiques se faisait principalement via des procédés chimiques, notamment par collage. Ces techniques présentaient plusieurs inconvénients : un temps de traitement long, une complexité d’industrialisation, et surtout l’utilisation de produits chimiques potentiellement nocifs, un vrai problème dans un environnement médical où la pureté des matériaux est cruciale.
C’est dans ce contexte que Mora a fait le choix stratégique de proposer un assemblage par soudure laser. Cette technologie présente un plusieurs avantages ; Elle est rapide, propre et facilement industrialisable, et elle n’introduit aucun apport de matière étrangère. Seules les propriétés des matériaux plastiques d’origine sont mises à contribution. Ce dernier point est particulièrement important pour les applications diagnostiques et biomédicales, où toute contamination extérieure doit être évitée. La soudure laser s’impose donc comme une solution fiable, propre et conforme aux exigences du secteur.
Chez Mora, nous avons validé cette approche à travers un POC (Proof of Concept) qui nous a permis de démontrer que la soudure laser permettait d’atteindre à la fois, une étanchéité parfaite dans des zones très ciblées, une tenue mécanique fiable et surtout un respect absolu des micro-précisions exigées par la structure des puces.
C’est un véritable défi technique, car il faut souder sans obstruer les microcanaux avoisinants. Certaines zones de la pièce présentent des canaux d’une hauteur de seulement 20 microns, avec des tolérances de quelques microns seulement, en largeur comme en profondeur. La soudure doit donc être ultra-localisée, maîtrisée et répétable.

Autre atout majeur de ce procédé : la possibilité d’ajouter un contrôle caméra directement intégré en ligne, permettant de vérifier automatiquement la qualité des soudures sur les zones critiques.
Aujourd’hui, nous utilisons déjà des machines de soudure laser très spécialisées. Mais notre objectif, à mesure que les volumes augmenteront, est de les intégrer dans des lignes de production automatisées, afin de garantir industrialisation, répétabilité et productivité.
Quels sont les différents types de soudure laser possibles pour ce genre d’application ?
Dans le domaine de l’assemblage par soudure laser, trois technologies principales se distinguent, chacune répondant à des besoins spécifiques selon la géométrie des pièces et la sensibilité des zones à préserver :
- La soudure laser par contournage: Dans cette approche, le faisceau laser suit un tracé précis, en contournant la zone à souder. Le laser se déplace le long des microcanaux, en suivant un parcours défini. C’est une méthode adaptée aux formes complexes et aux soudures localisées.
- La soudure laser par masquage: Cette technique consiste à projeter un faisceau laser sur l’ensemble de la surface, en protégeant certaines zones à l’aide d’un masque en cuivre. Ce masque recouvre les zones sensibles – comme les canaux fluidiques – afin d’éviter leur exposition à la chaleur. Le laser balaye la surface, ne chauffant que les zones non masquées. Cette méthode est particulièrement adaptée aux assemblages nécessitant une préservation stricte de certaines zones fonctionnelles.
- La technologie hybride: Il existe également des procédés combinés, qui tirent parti des avantages des deux méthodes précédentes.
Pour optimiser le procédé de soudure laser, Mora a fait le choix d’un assemblage par masquage.
Pouvez-vous nous parler un peu plus de la soudure laser par masquage ?

Pour garantir un assemblage fiable et reproductible, Mora a mis en place un processus de soudure laser rigoureusement maîtrisé. Tout commence par un posage de précision : la pièce injectée est d’abord positionnée sur un support dédié, puis le film de fermeture est ajouté par-dessus. Cette étape est critique, car elle impose des contraintes strictes de planéité.
Pour répondre à ces exigences, Mora a développé un système de guidage spécifique du film, permettant de maintenir la parfaite planéité de l’ensemble avant la soudure. Une lame de verre est ensuite appliquée pour mettre l’empilement sous contrainte. C’est dans cette lame que vient s’intégrer le masque en cuivre, qui délimite les zones à souder. Le balayage laser est alors effectué avec une extrême précision : seules les zones dégagées par le masque sont soudées. Pour cela, le masque lui-même doit être usiné avec une précision encore plus grande que celle exigée pour la pièce finale. En effet, une diffraction du faisceau peut survenir à travers l’épaisseur du masque, ce qui impose un usinage de très haute qualité.
Ce niveau d’exigence a conduit Mora à s’entourer de partenaires spécialisés, aussi bien pour la fabrication du masque que pour la réalisation de la soudure laser. Grâce à cette rigueur, les résultats obtenus ont été parfaitement conformes aux attentes en termes de précision, avec des écarts maîtrisés à quelques microns près.
Aujourd’hui, ce procédé d’assemblage par soudure laser développé par Mora est capable de répondre à une large variété de besoins industriels, en particulier dans les secteurs exigeants du diagnostic médical et de la microfluidique. Peu d’acteurs maîtrisent ces technologies de façon aussi pointue, ce qui confère à Mora un positionnement unique sur ce marché de haute précision.
Êtes-vous nombreux à maitriser cette technologie ?
Non pas vraiment ! C’est pour cela que Mora s’implique activement dans un consortium d’acteurs français mobilisés autour d’un objectif commun qui est de relancer et structurer une véritable filière industrielle de la microfluidique en France. Car si notre pays a longtemps été à la pointe de la recherche sur le sujet, cette avance ne s’est pas toujours traduite par une industrialisation locale.
La technologie existe, les savoir-faire aussi, mais c’est l’écosystème de production qu’il faut aujourd’hui renforcer. La pandémie de COVID-19 et l’essor des tests génétiques ont agi comme des accélérateurs de prise de conscience, en soulignant l’importance stratégique de ces technologies pour la santé publique et la souveraineté industrielle.

Chez Mora, cette ambition passe notamment par des partenariats étroits avec des organismes de recherche, comme l’Institut Pierre-Gilles de Gennes, en lien avec des institutions de renom telles que l’Institut Curie. Ce dialogue entre recherche fondamentale et savoir-faire industriel est la clé pour faire émerger des solutions concrètes, localement produites, à la hauteur des enjeux médicaux et technologiques actuels.
Comment voyez vous l’avenir de cette technologie que maitrise parfaitement Mora ?
Depuis deux ans, le domaine de la microfluidique connaît une véritable effervescence. Que ce soit dans les organismes de recherche ou, plus récemment, dans le monde industriel, les initiatives se multiplient, portées par des enjeux de santé, d’innovation et de souveraineté. L’ambition est de faire de la France un acteur majeur de cette technologie, à la hauteur de son excellence reconnue en recherche médicale.
Le groupe MORA est pleinement engagé dans cette dynamique, tant sur le plan de l’assemblage avec la soudure laser que sur celui de l’injection plastique. Et les projets à venir annoncent déjà de nouvelles contraintes techniques, plus exigeantes encore, qui nécessiteront d’explorer de nouvelles technologies d’injection.
Chaque nouveau développement est un véritable challenge, notamment en matière de précision, mais c’est aussi ce qui nourrit notre passion et notre engagement. La microfluidique est un domaine où chaque détail compte, et c’est dans cette exigence que Mora Group trouve toute sa légitimité.